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du moins, que ces notions ne sont point empruntées à l’observation. Nous verrons, dans le chapitre suivant, l’importance capitale, dans l’œuvre d’art de Wagner, de cette notion du purement humain. Sa valeur, dans la doctrine de la régénération, consiste en ce que Wagner, précisément, est resté fidèle à cette notion pendant toute sa vie, et ensuite en ce que cette humanité normale et complète, qui n’est qu’une partie intégrante et subordonnée de la nature éternelle, fournit son élément d’optimisme à la croyance philosophique de Wagner en une régénération possible.

Des citations que je viens de donner, citations qu’il serait, d’ailleurs, facile de multiplier, il ressort avec évidence que la nature, et en particulier « la vraie nature de l’homme », est considérée comme bonne. Wagner appelle notre monde « le désert d’un paradis dégénéré ». Dans ses premiers écrits, il déplore « l’ébranlement de la foi en la pureté de la nature humaine », et, dans un des derniers, il répète : « Nous ne chercherons notre salut que dans le retour de l’homme à la dignité simple et sacrée qui est sienne. » Tout au contraire, le vrai pessimiste enseigne que, « bien plutôt que d’identifier, à la façon panthéiste, la nature avec Dieu, il semblerait plus juste de l’identifier avec le diable », et de l’homme, il dit : « L’homme, au fond, est une bête sauvage et effroyable. Nous ne le connaissons qu’à cet état de domestication et de subjugation qu’on nomme civilisation, c’est pourquoi les explosions occasionnelles de la nature nous épouvantent. Mais quand et où le verrou et sa chaîne de l’ordre légal se relâchent et tombent, alors se montre ce qu’il est en réalité » (Schopenhauer). Ainsi, cette foi inébranlable à la pureté et à la sainteté de la nature humaine est la base philosophique de la doctrine