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avec ce « flair sans défaut » que leur reconnaît le maître, n’eussent immédiatement deviné l’importance exceptionnelle de cet opuscule. De là, dans toute la presse européenne, un tolle universel, un déversement d’animosité dont j’ai signalé déjà la violence effrénée, une lutte acharnée qui poursuivit Wagner jusqu’à sa mort[1]. Rien n’est plus propre à attirer notre attention sur l’attitude prise par lui vis-à-vis du judaïsme ; cela donne à supposer qu’il avait peut-être frappé juste, rem acu tetigit

Mais si nous passons de l’étude de ces événements à celle des considérations présentées par Wagner, deux choses nous frappent dès l’abord : leur entière sincérité et leur haute signification humaine.

Comme son héros Siegfried, Wagner nous apparaît « étranger à l’envie ».

L’adresse du Juif à accumuler l’argent est généralement à l’origine de tous les reproches qu’on lui fait. Wagner, lui, n’a fait que défendre, simplement, le goût artistique et les notions morales de l’Allemagne contre une race qui sent ces choses autrement que la race germanique. Jamais il ne fait allusion à l’intérêt économique, et jamais sa discussion, toute de principe, ne dégénère en réquisitoire haineux et personnel. Pour défendre sa thèse, il lui faut bien, dans son Judaïsme dans la Musique, citer des musiciens israélites ; mais il se borne simplement à citer les noms les plus respectés. Qu’on voie avec quels égards il parle de Meyerbeer, avec quelle justice et quelle estime il parle encore de Mendelssohn, et qu’on compare ces passages avec les

  1. Le Judaïsme dans la Musique parut en seconde édition en 1869, et plus de cent soixante-dix réfutations ont paru depuis lors.