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leur compte en des termes qui, aujourd’hui, le voueraient à une mort littéraire certaine : « Le principe de la religion juive », dit-il, « est l’égoïsme. Le juif est indifférent à tout ce qui n’a pas de portée immédiate pour son bien personnel. L’égoïsme hébraïque est d’une profondeur et d’une violence insondables. Les Juifs reçurent de la grâce de Jehovah l’ordre de voler» etc. (1841. L’Essence du Christianisme). Depuis lors, un grand changement s’est produit. Les chrétiens sont devenus plus tolérants, les juifs moins. En tout cas, c’est se moquer de toute vérité historique que de faire un crime à un seul d’une opinion qui était celle de toute une époque[1].

Il ressort suffisamment de ce que nous venons de dire que, si Wagner crut devoir jeter un cri d’alarme devant l’influence grandissante des Juifs dans l’art allemand, cela n’était point le fait d’une idiosyncrasie toute personnelle. Les meilleurs de son temps, à quelque parti qu’ils se rangeassent, pensaient comme lui. Mais il est très digne de remarque qu’alors que les Juifs n’en voulurent point à d’autres de leur antisémitisme, ils ne lui pardonnèrent jamais le sien ! Son Judaïsme dans la Musique eût passé inaperçu, dans les colonnes d’un journal spécial et peu répandu, si les Juifs eux-mêmes,

  1. Les Allemands ont, depuis, et pendant toute une génération, été frappés de cécité ; sinon, ils n’eussent pas pris au sérieux des hommes qui disaient, comme Gustave Freytag : « Nous tenons actuellement toute attaque contre le judaïsme, chez nous, pour un anachronisme indigne de notre époque, que cette attaque se produise sur le terrain politique, social, scientifique ou artistique (Grenzboten, 1869, n° 22). La différence entre Freytag et Wagner est celle qui sépare le talent du génie ; si l’on avait alors écouté la voix conciliante de ce dernier, et son solennel avertissement, on n’en serait jamais arrivé au conflit menaçant et suraigu que nous voyons se produire aujourd’hui.