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ne saurait être le prix de l’effort » ; aussi l’art leur demeure-t-il totalement étranger. L’activité artistique en elle-même présuppose déjà un tempérament optimiste, une inépuisable énergie de volonté, de foi et d’espérance. Le voyant qu’est l’artiste ne saurait se contenter de trouver le monde mauvais ; dans son sein même habite un témoin de la beauté de ce monde ; en revanche la beauté ne saurait, à son tour, arriver à se manifester que dans ce monde même. Le philosophe n’a nul besoin d’autres bommes ; ils lui sont à charge, il se retire dans l’ombre des forêts, pures de leur présence : l’artiste, par contre, a besoin d’eux, pour être lui-même ; il peut tout, mais rien sans leur coopération. De là cette conviction de Wagner, que l’homme ne saurait être « sauvé individuellement, comme être isolé » ; de là aussi ses efforts, depuis 1848 jusqu’à sa mort, pour scruter les causes de la déchéance humaine.

Il est intéressant de le suivre dans le progrès de ses investigations

Dans son discours à l’Association patriotique, Wagner disait déjà : « Il faut regarder bien en face, résolument, la question de savoir où est la vraie cause de toute misère dans notre état social actuel. » La réponse qu’il faisait à cette question, nous l’avons déjà vue à propos de sa politique : cette cause, c’est l’argent ! Ce premier effort de Wagner pour toucher le fond de notre état social dégénéré a été, un peu partout, taxé « d’étrangement naïf », et les hommes sérieux ont dédaigné de s’y arrêter. Peut-être en est-il qui pensent autrement. En tout cas, Wagner avait déjà pénétré bien plus avant dans la question qu’il posait. Pour remplir le but d’un discours populaire, il lui suffisait d’évoquer l’image « du pâle métal, auquel nous sommes