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avec très peu de ses points faibles et s’exprimait en aphorismes et en courtes dissertations, marqués au coin du sentiment, de l’esprit, et de l’érudition, sans se risquer encore à de vastes constructions logiques en style didactique, l’imagination de Wagner s’est échauffée, elle s’est éprise d’un Feuerbach très-différent, en réalité, de l’ermite de Bruckberg tel qu’il était. Dans Vie et Immortalité, il trouva, du reste, quelques pensées qui répondaient parfaitement aux siennes propres, par exemple celles-ci : « puissance maximum de vie, vie en commun » ; « la mort est la consommation de l’amour » ; « le génie artistique ne produit pas par la raison, la volonté ou la conscience de lui-même » ; le rejet du matérialisme comme insuffisant ; « l’espoir en un avenir historique », et quelques autres[1]. Mais chez Wagner, ces pensées apparaissent sous un angle si différent et s’agencent dans une vision universelle des choses tellement autre que ce n’est qu’en jouant sur les mots qu’on pourrait en conclure à un rapport de filiation de Feuerbach à Wagner, pour ne pas même parler d’une dépendance de celui-ci à l’égard de celui-là. Il ne reste que des vocables et des concepts isolés, que Wagner a réellement empruntés à Feuerbach (Willkuehr-Unwillkuehr, Sinnlichkeil, Not., etc.). Encore répondaient-ils si peu aux véritables pensées du maître que plus tard (Introduction aux vols. II et III des Œuvres complètes) il se vit forcé de donner des éclaircissements, pour parer à de continuels malentendus.

En résumé, Feuerbach a apporté plus de confusion que de clarté dans les conceptions de Wagner ; il a compliqué chez lui l’expression de la pensée ; mais, à

  1. Œuvres complètes de Feuerbach, III, 3, 16, 50, 55, 301.