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un caractère sans tache. Modèle de science, il était aussi un modèle de modestie, et d’amour intrépide pour la vérité. Et l’on peut bien dire que Schopenhauer a jugé ses écrits trop sévèrement en les taxant de « verbeux délayage » ; car, en tout cas, ils témoignent, comme sa vie entière, d’une aspiration noble, désintéressée, vers l’idéal.

Ce fut donc à cet honnête philosophe, oiseau rare s’il en fut, que Richard Wagner s’attacha tout d’abord. Ce qui l’attirait, chez Feuerbach, c’était, avant tout, le fait que Feuerbach « donnait congé à la philosophie, où il n’avait crû voir que la théologie déguisée, et se tournait vers une conception de l’homme dans laquelle Wagnercroyaitreconnaître « l’humanité artistique qu’il avait toujours en vue ». Et ces mots, que Wagner écrivait à l’âge de soixante-dix ans, n’ont pas seulement une signification rétrospective ; car, dans la même année où il mit la dernière main à l’Œuvre d’art de l’Avenir, le 21 novembre 1849, Wagner écrivait à son jeune ami Karl Ritter : « La doctrine de Feuerbach, en fin de compte, se résout bien dans l’homme, et c’est ce qui fait son mérite, en particulier, vis-à-vis de la philosophie absolue, dans laquelle l’homme se résout dans la philosophie. » Ce n’est donc pas au philosophe Feuerbach que Wagner s’était confié, mais à l’adversaire de la philosophie ahstraite (ou, comme Wagner le dit ici, « absolue »), c’est-à-dire au philosophe dont la tendance était de « sa résoudre dans l’homme. »

En conséquence, le rapport de Wagner à Feuerbach est, surtout, moral ; ce n’est que de la sympathie pour une pensée orientée vers la pure nature humaine.

Ce que je viens de dire rendra compréhensible un fait d’ailleurs frappant : c’est que, dans les écrits de