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figure vivante. Puis, après m’être assimilé cette pensée aussi complètement que je l’ai pu, j’ai tenté, non pas de la refléter d’une façon mécanique, mais de dégager, de grouper, de comparer ses diverses manifestations, de manière à en offrir au lecteur une vue d’ensemble claire et instructive.

C’était là, je crois, une entreprise utile. Wagner, en effet, a eu une destinée si mouvementée que par moments on a peine à suivre le fil des événements de sa vie, même quand on n’a en vue qu’une étude purement biographique. Mais bien plus difficile encore est, pour un lecteur non préparé, de mettre au clair les idées fondamentales qui dominent dans ses œuvres, et particulièrement dans ses écrits théoriques. C’est que la pensée de cet infatigable créateur n’est pas seulement ardente et touffue : elle se plaît à un incessant contrepoint d’antinomies, de thèses qui, au premier abord, nous font souvent l’impression de se contredire. Nietzsche, un bon juge en pareille matière, a déclaré que la prose de Wagner était admirable. Et vraiment elle l’est, pour peu qu’on se soit accoutumé à la pratiquer ; mais elle est, en même temps, d’une pratique difficile, surtout en raison de cet incessant enchevêtrement des idées. Impossible de classer et d’analyser ces documents, si dépassant leur portée immédiate, on ne parvient pas à saisir, derrière eux, la personnalité de l’auteur.