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intérêt particulier. On ne s’en est point assez occupé jusqu’ici, et c’est peut-être, plus que tout autre chose, la nouveauté du point de vue qui a rendu, et rend encore, difficile la compréhension de ces écrits de Wagner. Celui-ci, pour embrasser tout le domaine de la vie humaine, se place au point de vue du poète. L’art lui sert de mesure ; il y voit comme les pulsations du cœur social. Au début, lui aussi n’a voulu s’enquérir que de l’art seul, mais au fur et à mesure qu’apparaissent à son regard les phases de cet art dans ses manifestations successives, l’histoire entière de l’humanité se déroule à ses yeux.


I


« La condensation est l’œuvre propre de l’intelligence créatrice », dit Wagner. Aussi condense-t-il en images plastiques les événements qui se succèdent en couches diffuses et entremêlées. Qu’il parle de civilisation grecque ou romaine, de moyen âge ou de renaissance, de mythes ou de légendes, du roman ou du journalisme, de Shakespeare, de Corneille ou de Gœthe, d’histoire, de langue ou de la religion, toujours il nous donne en quelques phrases, souvent en une seule, la quintessence du sujet qu’il examine : mais jamais sous une forme abstraite, toujours, au contraire, condensée en une image aisément perceptible dans sa totalité. C’est là la méthode des poètes, mais personne, avant lui, n’y avait mis pareille intensité, Gœthe excepté, et il n’est pas facile à chacun de suivre la marche tout elliptique de sa pensée. C’est dans l’image, en effet, que l’ellipse trouve sa justification ; mais il en est beaucoup qui passent sans voir l’image,