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mentaire. Je n’ai pas à examiner ici si le point de vue de Wagner était juste ou non ; mais il y a une chose qui me parait au-dessus de toute discussion, c’est qu’il exprimait fidèlement la « volonté muette de l’âme populaire », celle de la race allemande dans son ensemble. Dans les antiques codes de l’Inde, nous lisons : « Les sages avaient l’œil sur les deux mondes, quand ils créèrent le prince, cet être formidablement grand ; ils pensaient qu’il serait laloi incarnée. » Hommes libres conduits par un chef unique : c’est ainsi qu’au temps de la migration des peuples se présentent à nous les diverses tribus germaines ; le rêve de Charlemagne gardait, lui aussi, cette forme, dans des proportions infiniment grandioses ; et encore aujourd’hui c’est, semble-t-il, de cette fusion caractéristique, propre à l’élément purement germain, qu’est sortie la forme historique des états germains. Il est facile de sourire de ces formules ; mais, dans l’histoire, rien de grand ne se fit jamais sans un idéal, et Wagner eut une heureuse inspiration, quand, en 1848, « il présenta à la masse, qu’on menait fort prosaïquement, une image poétique de son idée personnelle de la royauté. »

Dans son discours àl’Association patriotique, Wagner met ses auditeurs en garde contre la monarchie constitutionnelle, « cette notion d’importation étrangère, anti-allemande ». « Chaque pas en avant, sur cette base démocratique, est un empiétement nouveau sur le pouvoir royal, sur le gouvernement d’un seul ; le principe lui-même est la caricature de la monarchie, qu’on ne comprend précisément que dans le gouvernement d’un seul ; chaque progrès du constitutionnalisme est une humiliation pour le souverain, car c’est un vote de méfiance à son égard..... Ce qui est mensonge ne saurait subsister ; or, la monarchie actuelle est un mensonge,