Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/152

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ou sur des abstractions du même genre ? Non point… Sur Dieu ! « Dieu nous éclairera et nous aidera à trouver la juste loi ! » Il y a, dans ces paroles, la témérité de foi d’un Luther. Et quand, plus loin, dans le même discours, il définit le but a poursuivre comme l’accomplissement de la pure doctrine du « Christ », et parle de « la conscience pleine de Dieu » qui est l’apanage et le frein de la responsabilité royale, qui ne reconnaîtrait, à moins d’inintelligence ou de mauvaise foi, la nature profondément religieuse de l’orateur ? Les sentiments de Wagner sur l’importance de la religion n’ont jamais varié. Nous retrouvons le même point de vue dans tous ses écrits, à Zurich, à Munich, à Bayreuth : toujours, pour lui, l’art et la religion se conditionnent l’un l’autre, l’un ne saurait prospérer sans l’autre, et de leur commune floraison dépend le développement de l’humanité dans le sens d’un avenir meilleur et plus heureux.

D’autre part, l’antinomie que j’ai signalée plus haut, et qu’on pourrait, avec plus de justesse peut-être, définir : amour de la religion, antipathie contre les dogmes, cette antinomie rend facile à comprendre le fait que Wagner se livre souvent à une polémique animée contre les églises et que surtout aucune forme d’hypocrisie ne lui répugne autant que l’hypocrisie religieuse. Il dit ce mot, bien typique : « L’Allemand prend la religion au sérieux ». Au reste, il avoue lui-même que, dans ses premiers écrits[1], il s’ést prononcé avec injustice et étroitesse contre le christianisme parce qu’il en voulait exclusivement à l’exploitation de la révélation divine pour des fins temporelles et mondaines. Comme pour la question des races, il s’est laissé

  1. Dans l’Art et la Révolution, l’Œuvre d’art de l’avenir, l’Art et le Climat, tous les trois de 1849-1830.