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riquement la question, et qu’il n’avait fait que l’aborder sans s’y arrêter, mais que surtout, et c’est là le point décisif, il a toujours senti et agi, en pratique, comme l’homme de sa nation et de sa race.

Dans son célèbre discours devant l’Association nationale démocratique, le 14 juin 1848, Wagner, ce « songe-creux », réclame la fondation de colonies allemandes, sur un ton qui touche au chauvinisme : « Nous voulons faire mieux que les Espagnols, qui ont fait du Nouveau-Monde un charnier clérical, mieux que les Anglais, qui n’en ont fait qu’un comptoir d’épiciers, nous voulons créer une œuvre magnifique et vraiment allemande[1] ». Dans le même discours, Wagner combat la « monarchie constitutionnelle » demandée, par les libéraux de 1848, « sur une base large et démocratique», parce que cette conception de la monarchie « n’est pas allemande, mais d’importation étrangère ». On ne saurait donc douter du caractère bien allemand, bien conforme aux aspirations nationales, de ces vues que Wagner a défendues avec tant de feu. Au reste, nous ne manquons pas d’autres preuves à l’appui ; l’écrit patriotique : Die Wibelungen est de 1848-1849 ; le Projet d’un théâtre national allemand, de 18-48, et il fut revu en 1850.

Mais, dans cette même année 1850, en août, c’est-à-dire dix mois après qu’il eut terminé cet écrit où il était question d’une évolution « universelle et supranationale », Wagner écrivit son Judaïsme dans la Musique. La question des races commençait à l’occuper sérieusement ; ce n’était plus seulement par instinct, mais d’une manière consciente, qu’il se sentait Allemand,

  1. L’idée coloniale occupa Wagner toute sa vie ; cf, par exemple : La Religion et l’Art, X, 311.