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pour voir s’accomplir le bien, que nous le voulussions. »

On ne saurait nier que Wagner n’avait aucune aptitude pour la politique, au sens étroit du terme. On retrouve ici l’antagonisme fondamental, insurmontable, de la tournure d’esprit de l’artiste et de celle du politicien. Wagner l’a bientôt compris lui-même ; aussitôt après les troubles de mai, il écrit : « Tout homme de sens comprendra que maintenant, assagi surtout par ma participation à ces troubles, je ne pourrai plus jamais me laisser impliquer dans une catastrophe politique ». Dès lors, le terrain politique lui apparut comme « absolument stérile » ; et déjà en 1819, l’année même de la révolution de Dresde, il déclare : « Dans tout ce que je fais, dans tout ce que je réve ou pense, je ne suis et ne veux être qu’artiste et rien qu’artiste : mais dois-je me jeter dans notre vie publique moderne ? Je ne puis m’y mêler comme artiste, et, quant à le faire en homme politique, que Dieu m’en garde ! » Mais cela ne veut point dire qu’il ne possédât pas, à un point de vue plus haut, le sens politique, cet instinct de l’homme dont le cœur bat à l’unisson de celui de son peuple, avec des pulsations qu’active encore un tempérament actif et créateur. Et si l’on ne saurait voir en Wagner un « politique », il serait injuste, d’autre part, de lui refuser, en ces matières, une singulière justesse de coup d’œil.

On ne saurait voir en lui un politique, parce qu’il ne savait pas, comme doivent le savoir les hommes qui ont le droit de se targuer de l’être, discerner les voies et moyens à employer pour atteindre un but politique donné et prochain. Wagner croyait trop aux autres ; quand il voulut s’occuper de politique, il se vit forcé d’avouer les grandes illusions qu’il s’était faites