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enfin « satisfait à l’impulsion d’écrire qui s’était imposée à lui ». Et c’est avec assurance qu’il mande à son ami Uhlig : « Je crois en vérité avoir assez écrit, que pourrais-je encore dire, si maintenant mes amis ne sont pas au courant ? » Bientôt après, il écrit à Roeckel : « Il ne me serait plus possible d’écrire un mot ». Et pourtant il devait encore publier quelque soixante-dix écrits ! Car si les publications de Zurich avaient eu pour but de préparer le terrain pour son art, il se trouva, à son grand ennui, que ses amis ne les avaient pas comprises, et que ses ennemis y voyaient ce qui n’y était pas. « Ce qu’au fond je suis et veux rester presqu’absolument méconnu » ; voilà ce que Wagner devait s’avouer, deux ans après la publication d’Opéra et Drame. Et comme l’artiste se voyait empêché, par l’exil, de démontrer à ses contemporains, par l’exécution scénique de ses œuvres, « ce qu’il était et voulait[1] » ; comme même la puissante parole d’un monarque ne put prévaloir contre les cabales et l’inintelligence de ceux qui ne voulaient pas permettre le déblaiement nécessaire à un art nouveau ; comme enfin la scène de Bayreuth ne put être érigée qu’au travers de difficultés énormes, et, quand elle fut enfin achevée, resta, pour des années, sans prise sur l’indifférence universelle, le lecteur peut se rendre compte des obstacles sans cesse renaissants que Wagner trouvait devant lui, et contre lesquels il ne lui restait d’arme que sa plume d’écrivain. Mais il y a plus.

À mesure que l’étoile de Wagner semblait monter à l’horizon, à mesure qu’il voyait disparaître ce qu’un observateur

  1. Il est vrai que, pendant son bannissement, les œuvres de Wagner se répandaient sur presque toutes les scènes allemandes : mais, comme il le dit en 1856 : « En Allemagne, on continue, avec un durable succès, à mal exécuter mes opéras. »