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thèse principale, n’ont d’autre but que cette préparation[1]. Mais aussitôt cette tâche remplie, dès que Wagner sent qu’il s’est rendu raison à lui-même, qu’il trouve son idée justifiée à ses propres yeux, il retourne à son art. « Il n’a de joie qu’à son œuvre », et il repousse toute suggestion qui lui est faite d’écrire encore. Cette fois, en effet, on le lui demandait. En 1853, les amis de Wagner voulaient fonder une Revue de l’Art. Ils croyaient pouvoir compter sur le maître, qui, dans les quatre années précédentes, avait fait preuve d’une intarissable abondance littéraire. Pressenti au sujet de cette collaboration, il répond : « Quand on agit, on ne s’explique pas. » Après des luttes, prolongées pendant des années, contre les obstacles du dedans et du dehors, Wagner avait « repris goûta la musique ». Le « Rheingold lui courait déjà dans les veines », quand il refusa de collaborer à la nouvelle revue. Bientôt il commence la composition de cette œuvre, et s’excuse auprès de Liszt, son seul ami intime, de la brièveté de ses lettres : « Eussé-je une maîtresse, je crois que je ne lui écrirais pas… Ce qui s’agite en moi, je puis de moins en moins l’écrire, parce que je ne saurais plus même le dire, tellement il me devient nécessaire de ne faire que sentir ou agir. »

La période littéraire (1849 à 1852) était close ; l’obstacle une fois surmonté, l’artiste ne s’en occupait plus. Des années devaient se passer avant que Wagner sentît de nouveau le besoin de défendre son but artistique avec les armes de la logique et les arguments de

  1. « Ce que j’allais chercher dans des domaines qui s’en écartaient en apparence, comme l’État et la Religion, n’était en réalité que mon art, cet art que je prenais tellement au sérieux, que, pour lui, je demandais une base et une justification à la vie, à l’État, à la Religion enfin. »