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n’en ai considéré que la beauté, et non le prix », ajoutet-il… Ce que la beauté et la magnificence sont pour l’artiste, l’être prosaïque et ordinaire ne le conçoit pas davantage que le savant en pantoufles et en robe de chambre ne peut comprendre pourquoi Rubens ne pouvait peindre qu’en habit de gala et l’épée au côté.

Ou bien faudra-t-il peut-être faire des défauts de ces qualités qui sont des obstacles pour l’artiste et neutralisent souvent le succès de ses plus nobles efforts ? Ce serait alors entre autres, chez Wagner, ce sentiment de gratitude exagérée qu’il garda toujours pour tous ceux qui lui avaient rendu le plus léger service, parfois même dans un but peu désintéressé ; le mal que lui ont fait certains de ses amis, plus ou moins suspects, et pourtant dont il ne trouvait pas le courage de se détacher, est incalculable.

Qu’on prenne, d’ailleurs, le mot de défauts au sens qu’on voudra, je suis bien convaincu que Wagner avait les siens, et nombreux. « Le plus parfait tient toujours à l’humanité par un petit coin d’imperfection», écrit Frédéric à Voltaire ; certes, Wagner ne devait pas faire exception. L’énergie même de son caractère devait donner plus de relief à ses défauts. « Auprès de ce maître allemand, tous les autres hommes sont des poupées empaillées », a dit un Espagnol. Avec son exagération méridionale, il disait vrai : Wagner vivait avec plus d’intensité que le commun des hommes ; on eût dit qu’un sang plus riche et plus chaud courait dans ses veines ; rien de ce qui est humain, les humaines faiblesses comme le reste, n’a pu lui rester étranger. Je crois toutefois que l’examen de ces faiblesses rentrerait plutôt dans un « portrait » analytique, qui ne fait point le sujet de ce livre, sauf peut-être à s’en dégager de lui-même. Apprenons d’abord à bien connaître