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« Miséricordieux » lui était apparue ; à Munich, à l’époque des intrigues et des cabales, à celle où ses détracteurs prétendent que le maître s’efforçait de s’arroger la direction des affaires bavaroises, Wagner écrivit le plan définitif du drame, plan qui était, en lui-même, un poème presque achevé, et ce n’est qu’un an avant sa mort que la musique en fut terminée. Mais on peut bien convenir qu’à l’achèvement de cette œuvre élevée, pure entre toutes, qui devait toucher jusqu’à ses ennemis les plus acharnés, les dernières années prêtèrent un environnement merveilleux d’harmonie ; retiré du monde, tendrement aimé, il avait enfin vu le calice d’amertume se vider jusqu’à la dernière goutte… Ce fut dans ce calme béni que put s’achever Parsifal. On l’exécuta en 1882 ; il fut donné au maître d’assister à ce dernier triomphe ; il put entendre encore ce glorieux chant final :

Hœchsten Heiles Wunder :
Erlœsung dem Erlœser ![1]

Bientôt après, lui aussi trouva le salut, la « paix de sa fantaisie », comme il avait nommé sa retraite de Bayreuth : mais ce fut dans la tombe.

Si j’embrasse du regard cette esquisse de la vie de Wagner, je vois qu’elle s’applique surtout à reproduire son être intérieur. Ce n’est point, en effet, un portrait que j’ai voulu faire. Wagner l’a dit : « l’Allemand construit du dedans au dehors ». L’homme se peint


  1. Miracle du salut suprême,
    Qui sauve le Sauveur lui-même !