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grandissait un enthousiasme qui, s’il avait sa source bien plus souvent dans un simple dilettantisme musical que dans l’affection pour le maître, n’en servait pas moins à rapprocher de lui et à intéresser à ses aspirations plus d’un homme de valeur. Mais Wagner puisait surtout la force de vivre dans sa « confiance en l’esprit allemand » ; c’est là que cette force se renouvelait toujours. Il avouait bien parfois qu’il avait perdu tout espoir ; mais c’était se tromper lui-même, car, comme l’apôtre Paul, il avait appris à espérer contre toute espérance. Cette « confiance en l’esprit allemand » se retrouve partout, de ses premières affirmations jusqu’aux dernières ; et cette confiance s’étendait bien plus loin encore : c’était, à vrai dire, une confiance en l’esprit de l’humanité. Déjà, en 1848, il réclamait « une nouvelle naissance de la société humaine » ; c’est pourquoi on l’avait un instant confondu avec les politiques révolutionnaires ; mais cette pensée s’était de plus en plus approfondie en lui, au fur et à mesure que s’enrichissait sa propre expérience, et qu’il se séparait davantage de tout parti politique. Enfin, il put résumer cette vision personnelle du monde, sous sa forme mûrie et pratique, dans l’ouvrage capital de ses dernières années, La Religion et l’Art (1880) ; il l’accompagna de petits traités spéciaux, qui serrent de plus près certaines questions particulières : Qu’est-ce qui est vraiment allemand ? Voulons-nous espérer ? Héroïsme et Christianisme, etc., etc. Et il formulait ainsi sa profession de foi : « Nous croyons à la possibilité d’une régénération, et nous nous vouons en toute façon à son accomplissement. »

J’aurai à revenir ailleurs sur cette doctrine de la régénération, et je n’en parle ici que pour faire ressortir, en l’accentuant, un trait important du caractère de