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avait le plus urgent besoin de véritable affection ». Et, pour lui, cette douleur de rester, en dépit de son prétendu succès et des honneurs dont on le comblait, incompris ou mal compris, de voir son idéal raillé, sa personne exposée, jusqu’à la fin, aux plus méchantes moqueries, cela fut incontestablement, pour un cœur si vaste, si tendre, si sensible, si altéré d’amour, une souffrance tellement cruelle qu’aucune sympathie n’en saurait toucher le fond. Ce n’était que sur ces sereines hauteurs de la pensée où le monde et ses misères disparaissent dans la distance, ou dans ces replis profonds du cœur, où l’amour de quelques-uns dédommage de l’ingratitude d’un peuple entier, que le vieillard pouvait trouver quelque consolation. Certes, il en avait autour de lui, de ces affections consolatrices : Franz Liszt, le roi Louis, sa noble compagne lui restèrent fidèles jusqu’à la fin. Son fils grandissait sous ses yeux et donnait les plus belles espérances. Parmi les contemporains du maître, le comte de Gobineau, diplomate français bien connu, artiste et savant, était à même, par la hauteur de son esprit, d’être pour Wagner un ami ; on pourrait même découvrir, dans les derniers écrits du maître, quelques traces de son influence et de ses sympatiques suggestions[1]. Parmi les plus jeunes, je ne veux mentionner ici que le poète et penseur Heinrich de Stein ; d’autres vivent et agissent encore au milieu de nous.

Il faut reconnaître aussi que, dans les nombreuses sociétés wagnériennes (Wagnervereine), germait et

  1. Les ouvrages les plus importants de Gobineau sont : son Essai sur l’inégalité des races humaines ; puis, Histoire des Perses ; Religions et philosophies dans l’Asie centrale ; Traité des écritures cunéiformes ; Nouvelles Asiatiques ; La Renaissance, etc, etc.