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commencer à s’enraciner dans l’âme de peuples entiers et à exercer son action sur elle. Or Mme  Wagner et elle seule, pouvait continuer l’œuvre de Bayreuth.

Pendant ces calmes années de Triebschen, Wagner continua à déployer encore, comme précédemment, une activité créatrice presque incroyable. Un témoin affirme que le maître travaillait généralement de huit heures du matin à cinq heures du soir, sans aucune interruption. Ce fut là qu’il composa la plus grande partie des Maîtres-Chanteurs et qu’il les acheva, là encore qu’il acheva Siegfried et qu’il composa presque entièrement le Crépuscule des Dieux, cette œuvre puissante entre toutes. Cependant il ne se montrait pas moins fécond comme écrivain ; sans parler d’autres écrits de moins grande envergure, il y rédigea trois de ses ouvrages les plus importants : De la direction (musicale), Du but de l’Opéra, et surtout Beethoven. Ce dernier ouvrage est le plus profond, au point de vue métaphysique, qui soit sorti de sa plume : ce n’est point par voie d’abstraction, mais bien en suivant pas à pas la production artistique de Beethoven que Wagner y creuse les problèmes de la métaphysique musicale, et, en le faisant, il éclaire d’un jour tout nouveau la nature intime de ce puissant artiste, le moins facile à comprendre de tous. Il prépara, à Triebschen, une seconde édition de Opéra et Drame. Il compléta aussi une seconde édition de son Judaïsme dans la Musique, au moyen d’une introduction étendue, sous forme de lettre à sa noble amie Mme  Marie de Muchanoff, à laquelle cette édition est aussi dédiée. Enfin ce fut à Triebschen qu’il commença la publication de la collection complète de ses Écrits et Poèmes (Gesammelte Schriften und Dichtungen)[1].

  1. Il n’est que juste, à cet endroit, de mentionner le nom de son courageux éditeur, E. W. Fritzsch, à Leipzig.