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dernier, l’ennemi inconscient dans le camp même du maître. « Ce n’est pas la réconciliation que j’offre à la bassesse publique », s’écrie-t-il, « c’est une guerre sans merci que je lui voue ». Elle, au contraire, demandait la réconciliation : elle eût voulu le voir céder sur tous les points, parce qu’elle ne se rendait compte ni de son génie, ni de l’élévation de son caractère. Si, ce qui n’est pas contestable, elle avait pour Wagner l’attachement le plus complet et le plus fidèle, elle ne croyait pas en lui, et cela dit tout. L’amour plein de bonté et de patience que le maître lui garda pendant trente années est un des plus nobles traits de sa vie. Même au plus fort de sa misère, à Zurich, il continua toujours à assister les parents de sa femme, et jamais il ne voulut entendre un seul mot de blâme contre « sa Minna ». J’ai déjà fait ressortir combien la conduite de celle-ci avait été méritoire pendant le premier séjour à Paris. Il n’en est pas moins clair que ce mariage, auquel il s’était obstiné avec tant de « légèreté », comme lui-même le dit, non seulement rendit son existence bien difficile matériellement, mais qu’il devait être, pour lui, la source d’un martyre de tous les jours, de toutes les heures. Il est bien rare qu’une allusion à cette souffrance intime lui monte aux lèvres, mais, quand c’est le cas, on voit s’entr’ouvrir un abîme de douleur. Ainsi, par exemple, quand, en 1852, il écrit à Liszt qu’il faut absolument lui procurer l’autorisation de venir à Weimar : « J’y trouverais de quoi m’encourager, quelque aliment à ma vie artistique : peut-être y serais-je salué de quelque parole d’amour… mais ici ? Ici, c’est ma ruine morale et intellectuelle à courte échéance… » ; et il écrit encore à Uhlig, qu’il donnerait « tout son art pour une femme qui l’aimât vraiment sans réserve ».

Une autre fois, cependant, Wagner avait écrit à