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des représentations théâtrales, comme du rapport usuel entre le théâtre et le public… il ne s’agit plus de plaire ou de ne pas plaire, plus de cette étrange loterie qui caractérise le théâtre moderne, mais seulement de savoir si le but artistique que je me suis proposé dans ces œuvres est susceptible d’être atteint, comment il peut l’être, et si vraiment il vaut la peine d’être poursuivi ? Il importe, à l’endroit de cette dernière question, d’insister sur un point : c’est qu’elle n’a rien de commun avec la question du produit financier de l’œuvre (car c’est là, pour le théâtre d’aujourd’hui, ce qu’on entend par plaire ou ne pas plaire), mais qu’elle vise uniquement la possibilité d’exercer, par des représentations impeccables, une action spéciale et bienfaisante sur l’âme humaine cultivée ; car il ne s’agit ici que de la solution de purs problèmes d’art… »

Cette représentation fut donc une épreuve décisive. Qu’importe si le grand public n’en comprenait pas toute la signification ? Ici, le vrai public, c’était le maître lui-même. Le 11 mai 1865, jour de la répétition générale, marque une date mémorable dans la vie de Wagner. Dès le début, la direction de l’orchestre avait été confiée à Hans de Bùlow ; ce jour-là, le maître, qui jusque-là avait dirigé les nombreuses répétitions dans leur moindre détail, quitta la scène pour se retirer dans le fond d’une loge. Là, il recueillit, silencieux et ravi, le fruit de toutes les misères de sa vie à Munich, de ses longues tristesses où la mort lui était plus d’une fois apparue comme la seule délivrance possible. Mais, pour un caractère comme le sien, ce ne pouvait être un simple aboutissement, c’était une invitation à s’élancer vers des conquêtes nouvelles. Maintenant enfin, il le scnlail, il pouvait songer à fonder les solennités artistiques qu’il avait si longtemps rêvées, les Festspiele.