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d’hommes éminents entre tous ; plus tard, à Munich, la fidèle amitié du roi Louis et rattachement de Schnorr devaient lui tenir lieu de fout ; mais, à Vienne, dans cette « capitale de la vraie frivolité », comme lui-même la baptisa plus tard ?… À Vienne, il n’y avait rien, rien, ni consolation, ni noble diversion, pas un seul « asile » qui s’ouvrît au cœur martyrisé d’un maître poussé aux dernières limites du désespoir, rien, dis-je… que la frivolité même.

Quoi qu’il en soit, au surplus, l’énergie créatrice ne sommeillait point dans son âme d’artiste ; et, pour pouvoir travailler à l’œuvre commencée, à son noble drame des Maîtres Chanteurs, il lui fallait une autre atmosphère : il s’enfuit loin de Vienne.

Dans la multitude de ces Viennois qui, au premier jour, avaient si frénétiquement applaudi Lohengrin, je ne vois se détacher nettement qu’une seule figure vraiment sympathique, celle du Dr  Standthartner, plus tard médecin en chef de l’Hôpital général de Vienne. Rien n’est plus beau, dans la vie de Wagner, que ces amitiés, qui l’une après l’autre surgissent au magique contact de son art et de sa personnalité, pour le suivre, inébranlables et fidèles, jusqu’à la mort. Peter Cornelius aussi, alors à Vienne, et Tausig se sont montrés des amis dévoués pendant ces tristes années.

Wagner avait encore à subir une lourde épreuve, avant de pouvoir fuir le monde des grandes villes pour se retirer dans le monde glorieux de son imagination, afin d’y créer pour l’humanité ces chefs-d’œuvre : Les Maîtres Chanteurs, Siegfried, le Crépuscule des Dieux. Car bien que les dix-neuf mois passés à Munich, de mai 1864 en décembre 1865, offrent le contraste le plus complet avec le séjour à Vienne, ils n’en restent pas