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Pour beaucoup de jeunes, les scènes bien noires, les vengeances atroces, semblaient indispensables.

À peine âgé de quinze ans, je lus à mes parents, en manière de compliment de nouvelle année, une longue tirade d’alexandrins intitulée le Supplicié.

Comme mon père ne se souciait pas de me voir versifier, il m’adressa simplement ces mots, signe d’approbation plus que tiède :

« Est-ce que tu n’aurais pas pu choisir un autre sujet, un sujet moins lugubre ? »

Qu’eût-il ajouté, si je lui avais lu mes élucubrations poétiques de début, — l’Anthropophage, le Serment de mort, le Désespoir, etc. ?

Mes camarades qui s’essayaient à la poésie cherchaient aussi leurs inspirations dans les choses monstrueuses et terribles.

Cependant George Sand publia Indiana en 1832, et, l’année suivante, Valentine parut. Elle fit diversion dans le genre moderne, sous le pseudonyme que lui avait forgé Henri Delatouche.

« Mme Sand, remarque Alphonse Esquiros, se donna pour une victime de notre société mal faite ; elle découvrit son flanc qui saignait… La Revue des Deux Mondes, privée de nos trois grandes gloires littéraires (Chateaubriand, de Lamartine, Victor Hugo), s’empara de cette renommée naissante. »