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L’argent de poche de chacun de nous y passa tout entier. Nous nous exécutâmes sans regret.

Pendant trois semaines, aucun devoir ne fut fait convenablement, aucune leçon ne fut proprement sue. Les pensums tombèrent sur nous comme grêle.

Mais bah ! Lorsque notre répétiteur s’indignait, en nous punissant, nous nous moquions, avec Triboulet…, « de cet âne bâté qu’on appelle un savant », et nous attendions avec impatience la publication d’une nouveauté romantique, de de Vigny, de Delatouche, des Musset, d’Alexandre Dumas, de Frédéric Soulié, de Petrus Borel, de bien d’autres encore.

Peu de semaines s’écoulaient sans visite à Mme Gondar. Les romans beurre frais paraissaient à de rares intervalles : ils délayaient en quatre volumes in-octavo la matière d’un in-dix-huit actuel.

Que de pages blanches ! que de chapitres bien courts !

On pouvait aisément commenter le livre, écrire çà et là, soit à la plume, soit au crayon, les impressions que le lecteur ressentait : admirable, étonnant, sublime !

Mots auxquels des classiques répondaient, à leur tour : ridicule, incompréhensible, bête !

Ainsi les lecteurs d’avis différents s’injuriaient