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pôts des livres à la mode, ces foyers du romantisme.

Dans le quartier Latin, rue Saint-Jacques, non loin de notre pension, il y en avait un, fort bien approvisionné d’œuvres nouvelles. Mme Gondar, qui le tenait, pouvait presque rivaliser avec Mme Cardinal, de la rue des Canettes, comme loueuse de romans et de pièces de théâtre.

Elle savait exploiter les ardeurs des séides de la jeune école ; quand un livre faisait fureur, elle le louait par heure, non par jour ; et si on le gardait trop longtemps, même en payant généreusement, elle administrait à l’abonné retardataire une semonce conditionnée ; elle lui refusait toute autre production recherchée, jusqu’à épuisement de lecteurs diligents.

Il semble à mes amis et à moi que nous la voyons encore, dans son comptoir surchargé de volumes cartonnés tant bien que mal, cette active Mme Gondar, notre providence d’alors.

Elle nous procura le Roi s’amuse, le jour même où il fut publié, et nous nous cotisâmes, afin de pouvoir satisfaire ses exigences.

Tous les élèves de la pension lurent le drame défendu, — au prix de vingt centimes par heure, pendant trois semaines au moins ! Le total du louage s’éleva à quarante francs.

Comment oublier de pareilles débauches !