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Lorsqu’elle s’apprêtait à marcher, pour une garde ou une revue, chaque légion parisienne cherchait à se distinguer par une bonne musique, — et par un beau tambour-major.

Le tambour-major de la 12e légion (faubourg Saint-Marceau) était magnifique de corpulence et de costume. Il fallait voir les gamins de la rue Mouffetard contempler cet ancien fabricant de carton, ami de mon père, lorsqu’il faisait sauter sa canne sur la place de l’Estrapade. Rien à critiquer dans sa prestance, et quelle ampleur de formes, complétée par une paire de mollets opulents !

Un jour de rassemblement, plusieurs enfants parièrent que ses mollets étaient faux. Pour prouver le fait, un d’eux s’approcha du père Sabatier (ce tambour-major s’appelait ainsi), et, malignement, sans que personne s’en doutât, il enfonça une épingle dans le mollet gauche du bel homme.

Au lieu de coton, l’épingle rencontra la chair, et le père Sabatier poussa un léger cri, s’aperçut de la tentative osée par le gamin, à qui il administra un coup de canne, aux applaudissements du bataillon entier. Le gamin court encore.

Peut-être quelques tambours-majors se paraient-ils de faux mollets ; à coup sûr, beaucoup de sapeurs, cultivant le postiche, portaient de