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causait avec lui ! Il semait à profusion les mots d’esprit.

Sous le règne de Louis-Philippe, vers 1840, au moment où les discussions parlementaires se succédaient sans amener de résultats, il lui arriva de nous dire en riant :

« Il n’y a que moi qui puisse avoir la majorité à la Chambre. »

Le piquant de cette phrase nous frappait d’autant plus que nous savions la vérité. Chaque année, en effet, au commencement de la session, nombre de députés se trouvaient dans la maison de santé de la rue de Lourcine, où, pendant l’hiver, j’assistai à des réunions musicales et à des bals charmants.

M. Philippe Ricord était mélomane. Chez lui, on entendait de remarquables virtuoses, et les principaux artistes du Théâtre-Italien y exécutaient des œuvres magistrales. Le Stabat Mater de Rossini a été chanté pour la première fois à Paris dans son salon, par Mario, Tamburini, Mmes Grisi et Albertazzi.

Jamais un maître ne fut plus aimé de ses élèves, avec lesquels il avait des entretiens familiers. Homme du monde, il brillait par une amabilité que l’âge n’a pas fait disparaître ; homme d’esprit, il ne parlait qu’avec une grande douceur, et bien rarement ses mots ont blessé au vif.