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tourner du même côté, du côté où se produisait une très visible agitation.

Nous aperçûmes un bel Arabe, splendidement vêtu, portant haut la tête, et nullement effarouché par les regards braqués sur lui.

On lui fit place, on lui donna un fauteuil au premier rang, on le traita en grand personnage.

Effectivement, Bou-Maza était un fanatique, se prétendant envoyé de Dieu. Pendant qu’Abd el-Kader s’était réfugié au Maroc, en 1845, il avait soulevé le Dahra contre la domination française. Bou-Maza s’était rendu prisonnier à Saint-Arnaud, avait été amené à Paris et interné aux Champs-Élysées dans un riche appartement situé près de l’hôtel de la princesse Belgiojoso.

Quand il fut assis, Bou-Maza devint le point de mire de toutes les dames. Il ressemblait à un conquérant environné de sa cour, et daignant accorder çà et là quelque attention à telle personne digne d’être choisie pour favorite.

Il n’y avait plus d’oreilles dans l’assistance, il n’y restait que des yeux. Et lui, le majestueux Africain, il apparut comme le vrai, l’unique virtuose. Un désarroi général s’établit parmi nous, et le concert, quelque remarquable qu’il fût, ne résista pas devant l’engouement des auditeurs pour le lion du désert, — qui n’allait pas tarder à être le lion de Paris…