Page:Challamel - Souvenirs d’un hugolâtre.djvu/209

Cette page a été validée par deux contributeurs.

braves garçons qui tombaient dans l’excès de la révolution littéraire, et qui faisaient de la débauche, de l’immoralité en action. Sceptiques, matérialistes, ils érigeaient la pauvreté en système, et, criblés de dettes, ils riaient de leur insolvabilité volontaire.

Les uns secouèrent, un beau jour, leur manteau de Diogène, et l’on vit beaucoup d’égoïsme au fond de leur caractère ; les autres succombèrent prématurément, victimes de perpétuels désordres ; tous eurent des imitateurs qui finirent par former des groupes nombreux, avec lesquels la génération suivante a dû compter, et qui ont fait école.

L’esprit de bohème devint envahisseur ; il engendra la blague, par laquelle — les étrangers ont prétendu que la France périrait, — prédiction outrecuidante et dont, espérons-le, nos fils prouveront la fausseté.

Ce mal ne s’attacha pas seulement à la littérature et à l’art ; il gagna peu à peu la science, et surtout la politique. Nous eûmes et nous avons encore des bohèmes, dans ces deux sphères, des gens qui jouent avec le paradoxe, accomplissent leur travail sans conviction, font métier de leur profession et, toujours besogneux autant que pleins d’appétits, gâtent ainsi leurs facultés natives.