Page:Challamel - Souvenirs d’un hugolâtre.djvu/144

Cette page a été validée par deux contributeurs.

coup… Cédez à votre penchant. La fortune ne vous arrivera pas, mais votre existence sera calme, heureuse, indépendante. »

Je suivis ce conseil, dicté par l’intérêt que me portait Bonjean, et je fus attaché à la bibliothèque Sainte-Geneviève.

Cruelle chose que la destinée ! à quoi tient-elle ? Les événements la modifient sans la dominer.

Si Bonjean avait pu suivre sa première vocation, il n’eût sans doute pas sombré dans les agitations politiques, il se fût épargné bien des déboires, bien des inimitiés ; il vivrait encore ! Je serrerais avec reconnaissance la main loyale d’un intrépide travailleur !

Lorsque j’entrai à la bibliothèque Sainte-Geneviève, Salvandy voulut bien me dire que, là, je pourrais me livrer à mes travaux littéraires et historiques ; que cet emploi était une sorte de retraite anticipée, à l’usage des hommes de lettres ; qu’une bibliothèque était un palais rempli de livres, desservi par des faiseurs de livres.

Il me sembla bon d’assurer ma vie, quand je voyais autour de moi des poètes de mérite s’éteindre dans la misère ou, ce qui est presque plus déplorable, écrire pour vivre des ouvrages de pacotille, perdant tout caractère sérieux.

J’accomplis ma tâche avec conscience ; j’avais