Page:Challamel - Souvenirs d’un hugolâtre.djvu/140

Cette page a été validée par deux contributeurs.

rent une neutralité prudente ; plusieurs excusèrent ma résolution.

Mon frère aîné, doux et dévoué, me donna asile ; chez lui, je goûtai les premiers jours de liberté, tout en continuant mes études, la joie au cœur, l’espérance dans la tête, rempli de stoïques sentiments pour affronter les foudres paternelles.

Mais ces foudres redoutées n’éclatèrent point. Loin de là ; conseillé par un bon ange qui, pendant de longues années, devait avoir pour moi une affection presque maternelle, mon père vint me trouver soudainement, m’offrit de rentrer à la maison, et me promit de ne plus me parler jamais de cet affreux temps où j’avais réellement souffert.

Moins heureux que moi avait été, en 1833, Camille Bernay, l’auteur du Ménestrel, comédie en 5 actes et en vers, jouée au Théâtre-Français.

Bernay, clerc d’avoué, écrivit à son père une lettre dans laquelle il déclarait : « J’ai vingt ans : je veux être libre. » Il quitta la maison paternelle pour se livrer à la littérature, rima contre vent et marée, erra pendant deux ou trois jours dans les rues de Paris, couchant et mangeant où il plaisait à Dieu, dit son biographe Henry Trianon ; rentra sous le toit paternel qu’il quitta encore plusieurs fois, et lutta jusqu’en 1842, époque de sa mort.