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Ici la devineresse s’était trompée. Elle m’avait prédit un sort qui pouvait devenir celui de mon frère, mais qui, assurément, ne pouvait être le mien, car je n’ai jamais su tenir un crayon ni un pinceau.

Je voulais tenir, et j’ai tenu une plume, à la bonne heure !

Sérieusement, le commerce n’était pas mon fait. Je n’y mordais pas, et je comptais parmi les employés les plus détestables.

Mes études, au collège, avaient été assez bonnes ; cependant elles n’avaient point dépassé la classe de troisième. Un camarade de pension, Félix Dumoustier de Frédilly, mort depuis étant directeur honoraire du commerce intérieur, voulut bien se dévouer pour l’achèvement de mon instruction.

Dumoustier de Frédilly me donna des leçons de rhétorique, et je me préparai même au baccalauréat ès lettres, en étudiant l’histoire, le grec et le latin, en piochant mon examen. Je travaillais couché sur un comptoir, la nuit, à la lumière fumeuse d’un quinquet.

Cette vie dura dix-huit mois, pendant lesquels je ne perdis ni mon ardeur romantique, ni les instincts qui me portaient vers la démocratie. Je me créai quelques amis, surtout en composant des « déclarations en vers » à l’usage de commis