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pour un profane, jeune homme, je sais votre vocation… Persévérez dans vos travaux d’artiste, cultivez avec courage l’art si noble de la peinture, et vous ferez honneur, un jour, à votre illustre maître, à monsieur Ingres !

— Mademoiselle, croyez-vous ? interrompis-je.

— J’en suis sûre… Les cartes m’apprennent vos excellentes dispositions… Vous dessinez bien, vous dessinerez mieux encore, après quelques études, et si vous persévérez, vous obtiendrez certainement le grand prix de Rome.

Ces paroles me pétrifièrent dans un sens contraire à l’admiration que j’avais éprouvée d’abord, lors de mon entrée dans le salon de la cartomancienne.

Je ne m’avisai pas de la contredire ; je payai la consultation, et me retirai.

Deux ou trois semaines s’écoulèrent. Tout me fut expliqué, le plus simplement du monde.

Mlle Lenormand achetait ses cartes chez mon père, — et elle m’avait vu dans la cour de la fabrique, plusieurs fois, jouant avec mon frère.

Voilà pourquoi elle avait si remarquablement deviné la profession paternelle.

En outre, elle avait appris de mon père qu’un de ses fils étudiait la peinture, et faisait partie des élèves fréquentant l’atelier de monsieur Ingres.