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à penser à une réconcilialion avec lui. Et d'ailleurs, tout en éprouvant l'un pour l'autre une insurmon- table antipathie, Ronsard et Rabelais poursuivaient des genres trop différents pour se trouver fréquem- ment sur le même terrain. En somme, c'était Ron- sard qui élait le plus acharné, el, si Rabelais ai- mait à railler le genre de poésie du gentilhomme vendômois, il n'en vint jamais à la violence qui anime l'épitaphe dont nous avons parlé tout à l'heure.

. 11 y avait dix ans que Ronsard, dans l'enthou- siasme du jeune âge et l'ivresse d'un premier amour, avait fait à celle qu'il désigne sous le nom de Cas- sandre, l'hommage de son cœur, et, jusqu'ici il n'avait reçu d'elle aucune récompense. « Voyant doncques son service n'être récompensé que de ri- gueurs et de cruautés, sans espoir d'autre meilleur traitement, il délibéra, suivant les remèdes d'Ovide et de Lucrèce, prendre la médecine propre et par- ticulière pour se purger du mal, qui est de s'ab- senter de la personne aimée, et par là, se donner occasion d'en perdre le souvenir. Or, étant jeune, dispos et désireux de son ancienne liberté, il arriva en Anjou, voulant mettre fin à son malheur et éteindre, comme il fit, une vieille et trop ingrate amitié, pour jamais alors ne s'empêtrer d'amour. Un jour d'avril, accompagné d'un sien ami, s'al-