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solennelle de cet examen. Un temps assez long s’écoula sans que Lucie reparût. Anxieusement, les femmes regardaient cette porte qu’on ne rouvrait pas. Elles s’étiraient et s’agitaient dans un malaise. Laurence se fâcha même presque haut : « Ah ça ! est-ce qu’elle allait les faire poser longtemps ? C’était pas permis de vous faire droguer ainsi, quand on avait une frousse pareille ! » Madame finit par lever les yeux, elle demanda : « Mais qu’est-ce qu’elle fait donc ? » Enfin Nina revint ; elle avait les yeux fixes, la face exsangue, un tremblement agitait ses mains. Le docteur la suivait. Il s’approcha de la rampe et s’entretint avec Madame.

Lucie Thirache restait debout dans une hébétude désolée. Parfois, sous la longue chemise encadrant les tons d’ivoire de la peau, une secousse montait de ses jambes, la faisait se roidir. Et dans son esprit, les idées lentement s’associaient. Ainsi elle était prise, empoisonnée par ce mal qu’elle avait tant redouté. Elle était perdue sans remède. « Fallait-il être canaille tout de même pour infecter ainsi une pauvre fille, sans raison ! Qu’allait-elle devenir ? » Elle regardait le tapis, sans voir. Son corps semblait insensible ; elle sentait seulement la pesanteur de ses mains au bout des bras ballants.

— Eh bien, ma pauvre amie, il va falloir nous quitter ?