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ainsi en des rêveries lugubres lui faisaient apprécier davantage la présence de Léa. Elle s’aperçut aussi qu’elle avait une rivale, Laurence. Cette femme avait d’abord paru très intriguée de leur intimité. Bientôt elle sembla désirer vivement connaître les charmes et les talents de la Parisienne. Elle la comblait de présents, lui adressait mille compliments, lui procurait des michés riches. Il y eut une lutte de générosité. Lucie se promit ne pas se laisser vaincre ; à elle seule appartenait de parer Léa luxueusement comme une amante adorée. Chaque jour, cette fille se trouva ornée de rubans neufs, de colliers différents. D’abord Lucie méprisa ces efforts ; Léa l’aimait trop, et l’autre n’était pas assez séduisante ; elle perdait son temps. Mais, à mesure que les cadeaux de sa rivale furent présentés plus beaux, à mesure qu’elle vit Léa devenir plus aimable pour cette femme, ses dispositions changèrent. Elle fut prise d’une rage sourde contre cette Laurence, une voleuse ! Car enfin, elle aurait donné tout ce qu’elle possédait, pour garder l’amour de Léa, et vouloir lui prendre Léa, c’était vouloir lui prendre tout son bien. Et puis, c’était de furieuses colères contre son amante, qui n’était pas assez revêche à l’égard de cette femme. Elle l’accablait d’injures, l’avilissait de toutes les épithètes infamantes, et, soudain, dans une peur qu’elle ne fut fâchée et ne courut