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Lorsqu’elle eut connu Léa et sa tendresse, il lui sembla que ses aspirations étaient réalisées bien au-delà de ses rêves. Cette fille savait joindre à une grande habileté amoureuse, un raffinement délicat dans le choix de ses prévenances. Vautrée tout le jour aux côtés de Lucie, elle ne tarissait pas son admiration pour les sveltesses de l’adorable Nina, pour les pâles matités de ses chairs, pour la petitesse rare de ses extrémités. À chaque exclamation élogieuse, de ses longues et fines mains, elle caressait les membres vantés avec une chatouillante lenteur. De tels attouchements, fréquemment répétés, maintenaient Lucie Thirache en un énervement délicieux. Une telle apologie de ses charmes, murmurée en languissantes inflexions, étaient à la fille une harmonique mélodie, berceuse de son imagination somnolente. Puis soudain, à la vue de cette femme couchée sur ses genoux, faisant saillir pour elle les courbes lascives de son corps, tournant vers son visage de grands yeux noirs tout humides de larmes amoureuses, une triomphante vanité empoignait Lucie : elle était reine, l’autre esclave ; ses gestes ordonnaient, ceux de l’autre affirmaient obéissance, et il lui prenait parfois, une rage d’afficher son autorité, des envies féroces de torturer cet être si beau, de pouvoir crier ensuite : « Cette femme est à moi, c’est mon bien. »