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sienne, se complaisait à satisfaire aux questions de Nina. Durant des heures, elle narrait des symptômes, racontait des traitements, et Lucie l’écoutait, en une attention muette, complètement asservie par l’érudition de cette fille. Elle était grande et mince, très nerveuse, incapable de rester en place ; ses vêtements semblaient la gêner ; elle en mettait le moins possible et se promenait par toute la maison, voilant à peine ses nudités sous d’amples peignoirs de soie. On la rencontrait partout, en haut et en bas, dans la cuisine et au salon, toujours affairée, agitant dans un rire continu sa tête couverte par les frisures noires d’une chevelure coupée court, montrant des dents petites qu’elle faisait souvent craquer, dans un tic.

Comme elle était arrivée au 7 avec de fortes dettes, son crédit auprès de la patronne était mesuré ; aussi empruntait-elle aux unes et aux autres les objets dont elle avait besoin, payant d’une plaisanterie ou d’une histoire. Lucie surtout, incapable de résister à ses prières pressantes, était sa pourvoyeuse la moins avare de pots de pommade et de parfums. Un jour Léa vint demander à sa bonne Nina, une paire de jarretières bleues qu’elle convoitait. Elle la trouva occupée à laver ses cuisses à grande eau.

— Qu’est-ce que tu fais là ? demanda-t-elle.