Page:Chair molle.djvu/7

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tat. Ils vont se scandaliser encore, ceux qui reprochent aux naturalistes de ne pas étudier « des âmes choisies. » Une fois de plus, ils vont voir combien la jeunesse fait peu de cas de leurs leçons. Comment ? après qu’ils ont crié sur tous les tons à l’immoralité, après tant de boue jetée à nos visages, lorsqu’ils ont maintes fois, au nom du goût et des mœurs, flétri l’emploi de la fille en littérature, voilà précisément un nouveau qui débute en leur lançant au nez l’histoire d’une fille : quel camouflet ! Ils n’ont donc jamais convaincu personne ? Si, des fois : le parquet !

Nonobstant, je ne saurais trop féliciter M. Paul Adam pour cette création de « Lucie Thirache, » bien à lui, car il l’a tirée de son observation directe, de son expérience précoce, de sa jeunesse passée dans le nord de la France, à Douai, Arras et Lille. Certes, par quelques traits généraux communs, Lucie Thirache a sans doute un air de famille avec ses aînées, les autres « filles » de la littérature. Mais elle est tout de même venue au monde avec sa physionomie propre, tellement que si elle était là, en chair et en os, dans un endroit où se trouveraient réunies Manon Lescaut, Esther, Rosanette, la fille Élisa, Nana, Boule-de-Suif, Marthe, Annyl, Lucie Pellegrin, il serait aisé de la reconnaître entre toutes à coup sûr. Oui ! Lucie Thirache, Lucie Pellegrin. Annyl, Marthe, Boule-de-Suif, Nana, la fille Élisa, Rosanette, Esther, Manon Lescaut ! j’en passe, sans doute ; mais on voit qu’on