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vert. Il y eut une avalanche de plaisanteries grivoises, une supputation des spasmes voluptueux dont avaient frémi les êtres qui s’étaient vautrés là amoureusement. Et Nina se promit conter la chose, le soir, à ses clients préférés ; ils ne manqueraient pas de faire des réflexions très drôles.

On rentra pour le goûter. Madame, partie en avant, conseilla à ses pensionnaires un court repos.

Dans les herbes hautes, chacune se vautra moelleusement. Lucie couchée sur le dos, voyait près sa figure les herbes se balancer, transparentes. Elle avait mis un mouchoir sur son front pour le garantir du trop ardent soleil. Dans ses cheveux, dans son cou, des brins de verdure la chatouillaient en une caresse agaçante que la fille recherchait. Et, tout autour d’elle, c’était un bruissement continu, un cliquetement de tiges qui se redressent, un bourdonnement de guêpes en butin. En haut, le ciel très bleu, où filaient les ventres blancs des hirondelles, dont le vol circulaire s’abaissait tout à coup, soulevait sur l’eau transparente une écume d’argent. Lucie ne bougeait pas, désireuse de ressentir le frôlement de leurs ailes, elle regardait vaguement les arbres, le gazon, frissonnants dans une buée violette. Et de ses pensées tristes, il ne restait plus rien. En elle était venue l’appétence