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leurs poches. Soudain Emilia découvrit une grenouille tapie près un plant de géraniums ; elle la ramassa et se mit à poursuivre Laurence, menaçant de la lui jeter. Nina, réfugiée auprès de la patronne, craignait fort, sans oser le dire, qu’Emilia ne vînt l’attaquer aussi. Mais Laurence essoufflée s’arrêta très en colère, déclara à sa compagne que, si jamais elle la touchait avec cette vilaine bête, elle verrait un peu. Emilia lâcha la grenouille et reprit sa poursuite.

Alors, avec de grands éclats de rire, la Donard et Nina se mêlèrent à ce jeu. Il y eut une course folle à travers les arbres, des enjambements maladroits par dessus les parterres et des embrassades furieuses quand on s’attrapait. Elles redoublaient leurs gambades, levant très haut les jupons ; elles avaient remarqué les œillades que lançait dans leurs dessous, un jardinier émondant les saules. La mine piteuse du mâle les amusa beaucoup.

En courant, elles escaladèrent un tertre qui dominait le mur et le paysage extérieur. Devant une fabrique, aux bâtiments noircis, la Scarpe coulait, s’enfuyait sous un pont vers les remparts de la ville. Un chalet se montrait sur la même rive, bouchant la vue de la campagne.

Lucie fit remarquer que ce tertre était mal placé, on aurait dû l’ériger de l’autre côté du jardin, du côté où on voyait les champs.