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de faire construire un mur, parce que les cordes des bateaux mangeaient la haie, c’en était dégoûtant.

— La rivière passe tout près ?

— Mais oui, c’est la Scarpo. Il y a toujours des bateaux. Pour qu’on puisse voir, j’ai fait poser une grille dans le mur.

Les femmes allèrent à cette grille ; au pied, le mâchefer au chemin était étalé, et, au-delà, l’eau stagnait en une nappe huileuse. Un bateau noir de goudron se dressait immobile ; sur le pont, entre des empilements de sacs, une minuscule guérite s’élevait, blanche et rouge.

Cette guérite occupa beaucoup Lucie. Elle se demandait comment les bateliers pouvaient vivre là-dedans, sans air, entassés les uns sur les autres. Ça devait sentir joliment mauvais. Comme personne ne sortait de la cabane, contre son attente, elle quitta ce lieu, se mit à marcher entre les parterres. Les autres la suivirent.

Les fleurs, arrangées en corbeilles, lui parurent très jolies. Elle s’extasia devant les fines clochettes des fuchsias, les couleurs éclatantes des pensées, les épanouissements des roses qu’Emilia comparait à de petits choux.

La Donard avait des souliers neufs dont les lacets se dénouaient sans cesse ; chaque fois qu’elle s’occupait à les attacher, les filles arrachaient vivement une fleur et la cachaient dans