Page:Chair molle.djvu/65

Cette page a été validée par deux contributeurs.

allait vers une masse de feuillage dont les trouées laissaient voir une bâtisse blanche. Elles ne quittèrent plus des yeux cette perspective, écoutèrent les renseignements que donnait la patronne. Elle l’avait achetée en 1876, à un monsieur habitant Le Quenoy…

On arriva. La maison se trouvait au fond d’un jardin très boisé, ceint d’une haie. Au milieu de la haie, deux pilastres en briques servaient de chambranle à une porte jaune. Les femmes entrèrent en secouant les plis de leurs costumes ; elles lissèrent leurs tailles par des caresses qui enveloppaient toutes les rondeurs. Et, aussitôt, ayant vu un ruisseau qui serpentait entre les carrés de légumes, elles coururent, s’émerveillèrent à considérer les ventres nickelés des épinoches zigzaguant dans l’eau verte. Emilia s’accroupit au bord, essaya de les attraper. Elle ne réussit qu’à se mouiller les mains et à faire des taches sur sa robe. Les autres femmes s’empressèrent autour d’elle avec des exclamations désespérées. C’était bien ennuyeux, une robe qu’on étrennait ! Il fallait toujours quelque chose pour gâter la joie !

On suivait le cours d’eau. Madame avait pris le bras de Lucie et continuait à faire l’historique de son acquisition ; maintenant elle énumérait les réparations qu’elle avait dû entreprendre.

— Le long du chemin de halage, j’ai été forcée