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donnée, bien sûr, seulement, dame ! il faut toujours penser à Dieu et puis faire bien ses prières ; voilà tout.

— Avec ça que tu n’y prends pas du plaisir à rigoler.

— Moi ? Jamais de la vie !

— Pourquoi que tu fais la noce alors ?

— Tiens, si ta mère t’avait foutue à la porte, sans un sou et enceinte encore, qu’est-ce que t’aurais fait, toi ? Quand j’ai été accouchée, il a bien fallu que je vive, et puis que j’avais pas d’état. Mais c’est égal, si je serais au pair, je filerais un rude coup… et puis les hommes pourraient encore venir me courir après, c’est moi qui les rembarrerais. En attendant je fais ma prière tous les soirs à Sainte-Madeleine, une prière qu’on m’a apprise, même qu’elle n’est pas longue du tout ; avec ça on est sauvée et puis, si je me confesse avant de mourir, je serai pardonnée.

Avec un grand respect, les femmes écoutaient les explications prolixes d’Emilia. Reine se retirait en un coin haussant les épaules. La dévote expliquait la religion et racontait des miracles qui émerveillaient Lucie Thirache. Elle pensait qu’un être comme Jésus, capable de ressusciter les morts, devait être un Dieu, certainement. Elle demanda à sa compagne de lui enseigner sa prière à Madeleine ; si ça ne pouvait pas faire de