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elle en abuse de l’accaparement cette femme ! Il n’en boit seulement pas.

— Mais si, mais si, répondit Eugène, nous voilà. N’est-ce pas, Nina, que tu veux boire ?

Elle répondit très bas :

— Oui, vois-tu, il faut nous énerver ; la nuit sera meilleure.

Un officier fit sauter le bouchon d’une bouteille. Les femmes crièrent ; à grands flots la mousse blanche s’épancha dans les flûtes. On trinqua. Puis il y eut un silence à peine interrompu par le tintement des verres qu’on remplissait à nouveau. Les officiers causaient entre eux, sans s’occuper des femmes ; un étudiant lissait d’une main ses longs cheveux, promenait l’autre, dans une caresse lascive, sur ses voisines Germaine et Emilia qui étaient revenues au salon.

Le petit jeune homme grattait maintenant les pieds de Reine.

Lucie Thirache, ensevelie en un délicieux repos, restait muette ; à entendre seulement le bruissement des éventails, le son mat d’une flûte reposée sur le plateau, elle éprouvait un calme plaisir. Elle avait allumé une cigarette, en soufflait la fumée dans la bouche d’Eugène qui murmurait d’amoureuses paroles. Elle se trouvait très bien ainsi, perdue dans une molle rêverie, avec un avenir heureux en perspective, joyeuse