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ser la gouvernante. Ce spectacle amusa Lucie ; cependant, malgré l’envie qu’elle en avait, elle se garda de rire et conserva sa mine lugubre.

Eugène était revenu se mettre auprès d’elle. Elle renversa la nuque sur son épaule, lui enlaça le cou de ses bras, et, avec une voix alanguissante, s’enchantant elle-même de l’harmonie de ses paroles, elle murmurait :

— Oui, toi, je t’ai aimé tout de suite, comme ça. Tu n’as pas l’air voyou comme les autres, ni poseur comme les officiers. C’est laid d’être poseur. Regarde comme ils ont l’air bête, avec leurs carreaux dans l’œil ; et puis tu n’es pas non plus débraillé comme celui-là, avec des cheveux gras qui traînent sur le col. Tu as une belle peau, blanche comme celle d’une femme, bien douce à baiser, et des mains soignées avec de beaux ongles. Vois-tu, je ne pourrais pas aller avec les autres ; j’ai toujours connu des gens distingués et ça me ferait trop souffrir d’en connaître d’autres, à présent.

Il se laissait faire, lui collait de longs baisers dans le cou, sur les seins. Elle simulait un frissonnement irrésistible, et lui, répétait :

— Est-elle fine, cette petite Nina ! Est-elle fine !

Soudain une exclamation le fit retourner.

— Ah ça, mais elle l’accapare, elle l’accapare ;