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jupon blanc à broderies, battait encore, comme une enseigne de sa propreté professionnelle. Elle mettait un chapeau, ne le quittait point ; mais c’était seulement parce qu’il autorisait l’exigence d’un tarif plus élevé. Et, jour comme nuit, elle se vendait pour un louis, pour dix francs, pour quarante sous.

Sortant des bras d’un monsieur, parfois elle courait après un soldat, ajoutait sa pièce blanche au louis, se disant tout bas : « Tiens, comme ça Zéphyr sera content. » Elle courait vite jusqu’à. la rue Malpart, dans l’impatience de procurer une joie à son amant, et ne le trouvant point, mettait sur la table l’argent gagné, dans un bonheur de tout donner, où se mêlait souvent l’espérance de ne plus voir Zéphyr avant le lendemain et d’échapper à ses mauvaises paroles. Puis, lorsque cinq heures sonnaient, elle venait se poster à la porte des casernes, pour se livrer encore.

Maintenant Lucie Thirache vivait dans une torpeur abrutie. Elle marchait somnolente par les rues ; les objets lui apparaissant à travers une buée tremblotante.

Au commencement de sa liaison avec Zéphyr, elle avait repris la vie de noce, autant pour satisfaire ses appétits érotiques, que pour échapper à la misère. Mais, peu à peu, l’abus des plaisirs avait émoussé son éréthisme ; l’apaisement de ses ardeurs lui était venu ; et les pratiques