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songea aux richesses, à ses projets de bonheur luxueux et ce fut un grand mérite à son sens, vouloir ainsi donner le bien-être à Zéphir, un si brave garçon.

Pour le consoler de ses déboires amoureux, elle lui ménageait une surprise, le dimanche, quand la semaine avait été bonne : une partie de campagne, une excursion en Belgique.

Ils faisaient de folles ripailles, une débauche de charcuterie, arrosée de bière blanche. Très vite l’épicier prit goût à cette existence ; ses réclamations se firent moins vives ; ses derniers scrupules fuyaient dans l’amollissement de cette vie commode.

Alors, Lucie, sûre de n’être pas entravée, ne garda plus de mesure. Et l’argent redevint l’unique objet de ses pensées. Un étranger, presque chaque soir, occupait la chambre de Zéphyr. Lui, derrière la porte, attendait la part du louis payé d’avance, pour aller coucher ailleurs.

Dans les premiers temps, il avait voulu étourdir ses rages jalouses, oublier le mépris de soi qui le poignait, et il s’était mis à faire la noce. Chaque nuit de découchée, les lupanars le recevaient ; il fut bientôt connu des filles, choyé comme une bonne pratique. Et, dans une inconsciente comparaison, il en vint à trouver ennuyeuse Lucie, lui préféra ces femmes, toujours disposées à le satisfaire, et toujours paraissant