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Elle ne pouvait pourtant pas aller quêter de l’ouvrage de boutique en boutique, ah non, par exemple ! » Une crainte cependant la tenait anxieuse : il lui fallait conduire l’homme raccroché dans la chambre commune, au-dessus du magasin où travaillait Zéphyr, et si on était aperçus, ce serait une jolie scène. Elle restait au bord du trottoir, indécise, très embarrassée.

Mais l’apparition brusque de l’amant au seuil de l’épicerie, lui donna comme un coup et dissipa son incertitude. Avec une crânerie moqueuse elle emmena le miché jusque-là, le poussa dans un étroit couloir, recommandant : « Monte, mon chéri, c’est la première porte en haut ; la clef est dessus ; il y a une bougie et des allumettes sur la table ; je te rejoins. »

Et, dissimulant ses appréhensions sous un air d’autorité câline, elle s’appuya au bras de Zéphyr, sérieusement résolue à imposer sa volonté :

— Tu sais, mon petit homme, tu serais bien gentil de ne pas venir ce soir ; non, vrai, il n’y a pas moyen que tu viennes.

Lui se taisait. À sa face le sang affluait ; il semblait figé par une stupeur. La femme devina quelle colère l’avait saisi ; elle craignit un éclat brusque et, pour le prévenir, dans un flot de paroles dolentes, elle plaida sans fin :

— Ne te fâche pas, je t’en prie, faut pas m’en vouloir, tu sais. Je t’aime bien, tu sais, car sans