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— Fallait pas le prendre, ma fille !

— J’aurais bien voulu vous y voir.

— C’est égal, si t’étais restée honnête, ça ne te serait pas arrivée.

— Honnête ! Et toi tu l’es, honnête ?

— Un peu plus que toi au moins.

— Hé va donc, grand chameau, c’est parce que t’as pas de physique. Bien sûr que tu ne trouverais pas deux hommes pour vouloir monter chez toi.

— Du calme, hein ! Mamzelle du trottoir !

— Attends un peu, toi !

Lucie fut retenue par Zéphyr. Contente d’avoir un prétexte pour ne se pas colleter, elle se débattait, menaçait violemment son adversaire qui battait en retraite, très digne ; puis elle se laissa entraîner dans la rue.

Lentement, ils marchaient côte à côte. Une grande animation grouillait. Des camions roulaient bruyants, éclaboussaient la file des passants affairés qui s’accrochaient aux paniers encombrants traînés au bras des repasseuses.

Cette foule s’agitait impitoyable à côté de Lucie qui s’exaspérait :

— En voilà une putain ! Une femme à cent sous ! Une paillasse à soldats !

Zéphyr très calme raisonnait : « Pour sûr, c’était une rosse, mais Lucie avait déjà bien assez de malheur comme ça sans s’occuper encore d’une